PARCOURS
En guise de bio
Je suis née dans les décombres de l’Indochine française, deux mois avant Dien Bien Phu. Mes parents se sont rencontrés à Saigon. Ma mère, alors âgée de 23 ans, y vivait chez son frère, patron d’une affaire familiale d’import-export. Mon père, jeune enseigne de vaisseau, commençait sa carrière d’officier de marine. A bord d’un patrouilleur, il surveillait les activités du Vietcong sur les rives des arroyos et dans les marchés des villages. Je suis née en 1954 à l’hôpital Grall, un bel hôpital construit par les Français. Il existe toujours, en plein Saigon, au milieu d’un parc arboré. Il est maintenant dédié aux enfants. J’y suis retournée en 2003.
J’avais six mois quand nous sommes rentrés en France, avec Thi-ba, ma nounou. Elle me parlait en vietnamien. Elle est restée avec nous jusqu’à mes deux ans révolus.
Un professeur vietnamien, lisant mes premiers livres inspirés de Duras, m’a dit : Une langue sans conjonction, sans subordination, des phrases courtes, c’est comme elle et ça vient du vietnamien.
Avant que j’aille à l’école, ma mère m’apprenait des fables de La Fontaine. A trois ans, je savais « Le Renard et les raisins ». Je me souviens du texte et de la joie de ma mère. Mais je me souviens surtout du plaisir de découvrir la dimension ludique du langage. La Fontaine écrit que les raisins sont « couverts d’une peau vermeille ». Le lien avec merveille s’est fait immédiatement dans ma tête. C’est un de mes plus anciens souvenirs. Je suis sûre que mon désir d’écrire s’y enracine. Dès que j’ai su lire, j’ai su que j’écrirai. Le livre était ma patrie. A l’adolescence j’ai découvert la littérature du XIXème siècle, romans et poèmes. Un continent duquel surnage avant tout l’éblouissement des romans de Tolstoï, et la poésie de Nerval. Dans mon monde de tous les jours, j’étais étouffée par mes émotions et je pensais que dans celui des livres, j’aurais mieux respiré, je serais à ma place.
J’ai mis longtemps à me débarrasser du besoin d’embellir que je laisse aujourd’hui doucement revenir.
Duras a été la première à me mettre la plume à la main. Ce sont les états que je cherchais à fuir qui font son sujet. Elle les écrit sans expliquer. Elle fait place au silence. Au cri. Puis est venue Virginia Woolf et son génie de la phrase qui dévoile. Puis le sentiment que mon instrument était mien et qu’il fallait me tenir à lui, non parce qu’il était meilleur qu’un autre mais parce que j’étais la seule à pouvoir le faire résonner et que c’était ma tâche, arriver à entendre en soi la voix qui ne ment pas.
Je suis passée par le théâtre. Les mots des autres devenaient les miens. J’en ai gardé l’écoute du son de la phrase, le malaise de ce qui sonne faux.
J’ai de 2006 à 2010 tenu la chronique de littérature étrangère de l’émission de Paula Jacques sur France Inter Cosmopolitaine.
J’ai essayé d’aider les autres à écrire dans le cadre d’institutions, le collège, le lycée, l’hôpital, la prison, Sciences Po. Je l’ai fait pendant vingt quatre ans, de 1994 à 2018.
Je publie principalement des romans. L’histoire est souvent mon sujet, en lien avec le destin individuel, comme par exemple, Le Chasseur Zéro, mon premier roman pour lequel j’ai reçu le Prix du premier roman et le Prix Goncourt en 1996.
Depuis 2018, je suis jurée du Prix Médicis.
Photo © Francesca Mantovani