PAR AILLEURS…

Résidences

A Laval

1994. Mes premières armes, dues à la publication de mon recueil de nouvelles Histoires dérangées. Pendant quatre mois, j’ai résidé à Laval, mandatée par le directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), monsieur Paul Dall’Acqua, avec pour mission d’animer des ateliers d’écriture auprès de publics fragiles. La mission avait obtenu le soutien de la mairie. De la Maison d’arrêt aux ateliers pour la jeunesse sous protection, d’une classe des « quartiers » à la maison de retraite, du foyer d’hébergement pour adultes, le travail ne s’est pas souvent ressemblé. De loin l’atelier le plus difficile à mener fut celui des jeunes sous tutelle de la PJJ, écrivant avec peine, souvent récalcitrants ou fermés. Il m’a fallu apprendre à me contenter de très peu, du simple fait par exemple que l’un d’eux, une fois, relève une tête jusque là couchée sur le bureau avec un questionnement dans les yeux. Paul Dall’Acqua a su me soutenir. Mais j’ai eu aussi, notamment du foyer d’hébergement pour adultes, des hommes pour la plupart, ou du quartier des femmes de la Maison d’arrêt les plus belles récompenses.

A Lavigny

En juillet 1997, je suis l’hôte de la Fondation Rowohlt à Lavigny, sur les bords du lac Léman parmi une dizaine d’écrivains de nationalités aussi diverses que le Chili et l’Australie.  Le groupe se fédère immédiatement en une bande de joyeux pensionnaires farceurs. Nous avons l’obligation de dîner tous ensemble à 19h précises dans une salle-à-manger d’été, au milieu des roses, le lac en contre-bas. C’est un rêve. Le vin est bon, on nous sert à table. La nuit, nous nous amusons à changer les objets de place. Les amis me hissent sur la sculpture d’une vache en fer rouillé où je trône en fumant. Un soir, nous faisons une rencontre pour des invités, chacun y va de son petit texte, c’est charmant. Le matin, dans sa chambre, on écrit. 1997. Je me suis mariée à Lavigny, pendant la résidence, avec Claude Delarue. 

A Nevers

Du 12 au 18 mars 2016, à l’initiative du Centre culturel de rencontre de La Charité-sur-Loire,  j’ai été prise en charge par le CADA (Centre d’aide aux demandeurs d’asile) de Nevers pour écouter la parole des réfugiés installés dans la Nièvre, réfugiés dont la situation a été régularisée ou est en voie de l’être. Onze familles vivant à Nevers parfois depuis plus de dix ans. Le CADA – dont on ne saluera jamais assez le travail auprès des réfugiés – m’a offert un des appartements qu’il gère pour y installer mon quartier général. Mais la plupart du temps, j’ai été accueillie fort généreusement par les familles qui avaient librement choisi de me recevoir. J’aurai tant aimé rester plus longtemps. J’ai recueilli de la façon la moins sommaire que j’ai pu les récits de vie de chacune de ces familles, originaires du Tchad, de Tchétchénie, de Syrie, d’Afghanistan, du Congo, d’Érythrée, de Djibouti, de Guinée. Je les ai rassemblés sous le titre L’histoire ne se voit pas que l’on peut lire.

Retrouvez une présentation de cette résidence sur www.lejdc.fr

A la Fondation des Treilles

2018. Je tente cette expérience : me retirer du monde pendant deux mois dans un lieu paradisiaque mis à la disposition des artistes par la Fondation des Treilles  pour leur offrir de créer en toute quiétude. Rien à voir avec la Fondation Rowohlt. L’écrivain ou l’écrivaine est seule. Je suis seule. C’est une chance d’avoir été acceptée.  J’y reste deux mois. On m’apporte mes repas dans la petite maison qui m’a été attribuée au milieu d’un parc de deux cents hectares. Le soir, quand il y a des séminaires dans la grande maison qui abrite également une bibliothèque, je dois m’y rendre. Mais s’il n’y a pas de séminaire, je suis absolument seule. Seule au milieu de 200 hectares où pullulent les sangliers. Un gardien veille sur la propriété mais il habite 200 mètres plus bas. Dans la journée, si j’ai besoin de parler, il y a deux bibliothécaires disponibles et bienveillantes et une équipe de jardiner. En fait, l’expérience est rude. Ce n’est pas tant d’être face à la page blanche que face à soi-même. Tout me manque. Mon écriture, rarement diserte, se fait exsangue. Je change de projet en cours de route, nouée d’angoisse. Je sors marcher. La propriété est sur une colline. On voit très loin, jusqu’à  la mer. J’avance  parmi les cyprès et les pins, les oliviers, les rangs de lavandes, des sculptures de Max Ernst.  Et je commence tout doucement un nouveau roman, ce sera La belle Hélène. Alors que j’ai obtenu cette résidence en annonçant le projet d’un recueil de nouvelles autour du thème de la guerre !  Il m’a fallu du temps pour me rendre compte de la logique, toute inconsciente, de ce glissement…