ÉCHOS

Critique

février 2014
Paru dans Paris-Match. Par Valérie Trierweiler

Le cœur a ses saisons

En quelques nouvelles finement ciselées, Pascale Roze explore la palette des sentiments.

On revient toujours à ses premières amours. Pascale Roze, bien avant “Le chasseur zéro”, prix Goncourt en 1996, avait débuté par un recueil de nouvelles. Il y a tout juste vingt ans. Après huit romans, la jeune femme s’est à nouveau essayée à ce genre littéraire souvent délaissé par les écrivains. D’abord, parce qu’elle aime lire des nouvelles, ensuite parce qu’elle eut envie de rassembler les pièces du puzzle de sa propre vie. La romancière évoque plutôt un album à la manière de celui d’un compositeur. Avec ses rythmes et ses refrains. En dix-huit nouvelles, l’écrivain met en scène des éléments familiers. Ses lecteurs les plus fidèles reconnaîtront les thèmes qui lui sont chers, déjà évoqués précédemment : l’Indochine où elle a grandi, l’amour, la mer ou encore la maladie. Elle-même a connu cette épreuve avec une rupture d’anévrisme. Mais c’est après un drame plus paralysant que Pascale Roze voulut se dépasser : la mort de son mari après une greffe du cœur.

La nouvelle dédiée à cette tragédie s’intitule “Supporter”. Elle raconte la vie au ralenti, l’attente, l’espoir et enfin la phrase tant attendue : “Il y a un cœur pour vous.” Puis le rendez-vous manqué, l’épouse qui arrive trop tard. Malgré cela, Pascale Roze, au long de ces histoires merveilleusement écrites et pleines de délicatesse, ne cesse de rappeler combien la joie de vivre est une nécessité ou “comme le sommeil une réparation”. Même lorsqu’elle décrit, dans “En mer”, la volonté de mourir de cette femme qui prend soin de plier soigneusement ses vêtements avant de partir lutter contre l’hostilité des vagues et la froideur de l’eau. C’est finalement l’instinct de vie qui reprend le dessus. La force des détails, la minutie de chaque description, le choix du mot exact donnent à chacune de ces expériences un relief particulier.

“Passage de l’amour” est réservé à un enfant pour la plus courte des nouvelles, à peine deux pages. Mais deux pages de pur bonheur de lecture. On aime également le récit sur ce vieux paysan dans le train qui revient de loin pour fleurir la tombe de sa femme. Son mutisme, sa souffrance jusqu’à ce qu’un voyageur vienne soulager son mal en même temps que son mal-être. C’est ce qu’a voulu Pascale Roze ici, écrire sur l’amour, celui qui peut s’adresser à l’un comme l’autre. Passer comme trépasser ou bien repasser. Il suffit de savoir le saisir. Savoir profiter de chaque émotion y compris de la souffrance. Elle considère d’ailleurs que la joie et la douleur sont proches, souvent indissociables. On le ressent jusque dans son style ciselé et sensible. Sans doute aussi parce qu’elle-même a vécu ces émotions-là, qu’elle fait resurgir de son propre passé, de sa propre vie.