ÉCHOS

Critique

février 2017
Article paru dans Le Figaro magazine. Par Élisabeth Barillé

La vieille femme et l’enfant

L’absolue, en parfumerie, désigne la quintessence odorante d’une fleur. les romans de Pascale Roze en sont en quelque sorte l’équivalent littéraire : des textes qui captent dans leur brièveté même l’essence d’une époque ou d’un destin singulier. un pilote kamikaze dans Chasseur Zéro, prix Goncourt 1996, ou comme ici, l’héritière d’une entreprise de ganterie de Millau.

Malgré son grand âge, Odile Mourtier résiste à la conjuration des souvenirs. Sa fortune acquise en habillant les mains des princesses finance désormais une fondation de musique contemporaine. un train-train d’érudite soudain ébranlé par un livre racontant la vie bien moins cossue d’une femme de ménage marocaine. Elle l’ouvre sur la stupeur de se reconnaître dans un passage retraçant un séjour à Troyes pendant la guerre de 14, entre son grand-père maternel et jovial Amazouz ramené du Maroc quand ce dernier servait comme officier. un garçon de 12 ans qu’il avait sauvé de la misère et chérissait depuis mieux que son propre fils. Quand elle comprend qu’un héritage affectif scellé d’énigmes demande explication, et réparation, peut-être, la vieille dame invite auprès d’elle le descendant d’Amazouz, un certain Tariq, historien de métier.

Pascale Roze éclaire de sa subtilité les coulisses humaines du protectorat.

Qu’entend-on exactement par transmettre ? demande-t-elle au lecteur. Et que veut la vie sinon nous confier les uns aux autres.